Pour la énième fois, quelqu’un se pose la question du mot design. (1)
Pour la énième fois, on essaie de débattre entre futilité et efficacité.
Pour la énième fois, on parle du design comme s’il n’était que le fait des designers.
Quand acceptera-t-on la diversité, la pluralité de ce métier ou tout du moins de cette “activité’’. Qu’est ce que cela peut faire qu’il y ait des designers décorateurs, des branchés, des théoriciens, des gourous, des visionnaires, des “plancheurs’’ de bureaux d’étude, des asservis du marketing, des nombrilistes, des “people’’…?
Talents et diversité
Cette diversité, sur le fond, est sa richesse. Le monde du design est rempli de beaucoup plus de talents que l’on imagine. Tout y est possible, alors pourquoi le refuser. Sa production dans tous les genres est certainement ce qui, à la longue, a permis aux gens, aujourd’hui, d’acquérir une plus grande ouverture d’esprit (On le constate au quotidien même si l’offre ne suit pas).
Pourquoi éprouver le besoin d’expliquer à chaque fois la signification du mot design, et pourquoi la définition change t’elle radicalement en regard du point de vue? Le mot architecture ne recouvre t’ il pas la Pyramide du Louvre, la Jin Mao Tower de Shanghai, le Guggenheim de Bilbao, les barres d’immeubles de Sarcelle, les pavillons en tout genre, le Parthénon, les centres Leclerc…
Qui s’en émeut?
Plutôt que cette énième mise en cause du mot, ce serait tellement plus important d’essayer de comprendre et de dialoguer avec les véritables commanditaires de ce métier, les industriels, les entrepreneurs, les distributeurs.
Les «mots»
Quand on dit «Aux designers de jouer, d’inventer avec économie, mais aussi avec un indispensable besoin d’aventure, d’humour, de narration, de relecture, de poésie et de fête.» (2), qui peut être contre? On est partant, mais on oublie que les mots aventure, humour, relecture, poésie, fête, et aussi, risque, engagement, don, expérimentation, sont des mots que l’on entend rarement dans les salles de réunion des industriels et des distributeurs.
On connaît le moteur, il est purement économique.
Qu’il y ait du sens, de l’image, des préoccupations écologiques, cela passe par la case économie, parce que ce sont les moyens aujourd’hui de capter des utilisateurs qui seront de plus en plus exigeants. Tout du moins, sur ce dernier point, nous l’espérons.
Il est affligeant de voir à quel point cette profession de designer est positionnée loin de ses enjeux, par nous mêmes (les designers) et par les médias.
Le design de rêve, le design de passion, le design qui expérimente des voies nouvelles, au delà du folklore, c’est celui qui devrait arriver jusqu’à nous.
Ni les industriels ni la grande distribution n’en ont l’idée ou l’envie.
Avec votre magazine à la main, Intramuros, Domus, Interni, Experimenta ou Ideat, parcourez les Carrefour, les Darty, les Conforama, les Leroy Merlin et essayez d’y retrouver vos envies…
Le jour où ça se fera c’est que les designers auront su utiliser leur créativité pour convaincre les seuls décisionnaires, ceux qui ont le pouvoir d’investir, de produire et de distribuer.
Le design est un métier complexe et ça n’est pas une mince affaire.
(1) Prodesign, éloge du design utile. Jacques Bosser. La Martinière
(2) Manifeste antifautes de style: Anne-Marie Fèvre – Libération du 20 avril 2007