Prétexte à quoi ? Au VIA, et à d’autres, pour se donner bonne conscience ?
Ou prétexte à s’énerver encore et encore à propos de confusions notoires entre design concours Lépine et stratégie produit?
Mr. Philippe MAYER (Designfax 629) président du VIA dénonce « la frilosité des acteurs professionnels, industriels ou distributeurs. Il est regrettable que trop peu de projets financés par le VIA soit édités. » (Lire aussi, Df 631, Newzy et le Prix Emile Hermès…)
Et par ailleurs le VIA nous raconte, à travers le livre de Anne Bony, Prisunic et le design – l’excellente saga d’une entreprise.
Cherchez la contradiction: ce n’est pas de projets / produits ( selon la définition du VIA ) clés en main dont les entreprises ont besoin mais de projets de développement, d’une vision stratégique de leur entreprise pour lequel le « design global », pratiqué avant la lettre par Prisunic grâce à la culture et à l’intuition de ses dirigeants, est un accompagnateur.
Il ne s’agissait pas pour Prisunic de puiser dans des réserves de créations prêtes à l’édition mais d’inventer au jour le jour les produits qui construisaient la marque et de prendre pour ça des gens, connus ou non.
Si les industriels « éditent peu », pourquoi ? Parce que, si certaines entreprises fonctionnent de cette manière (vous m’envoyez un dessin, si ça nous plait, on essaye…), la plupart doivent répondre à des objectifs et que le résultat n’est pas le fruit du hasard mais d’un véritable travail de conception. Et pour ça, elles ont toujours du mal à s’engager tant l’image de la fonction de designer est brouillée.
Question, au delà du design industriel qui poursuit néanmoins son développement dans de nombreux pays : qui a fait depuis des années du design un concept de création marginalisé en face du mode de production industriel jugé attristant et pauvre, incapable de transmettre les « nouvelles attentes » des utilisateurs, qui a élevé la signature au rang du principal critère de choix d’un produit ou d’une marque, et qui fait du « design » un modèle élitiste, servant principalement le marché du luxe?
Si à l’époque de Prisunic il y eu aussi Monoprix et Uniprix sur des objectifs commerciaux identiques, ces initiatives étaient sur des longueurs d’ondes différentes : seul Prisunic avait un véritable projet d’entreprise dans lequel le produit était porté par une réelle ambition, une éthique de vie et une conception du commerce qui n’existent plus vraiment dans quelque domaine que ce soit.
Parler de morale, d’innovation, de partenariat avec l’industrie, de culture vivante, d’expérimentation, de plaisir avec la grande distribution est lettre morte, tant « l’agressivité » commerciale de l’ensemble de ces entreprises est forte.
Le produit n’y est que l’instrument d’une marge, sans plus.
Lors d’une étude de Design déploiement pour Descamps il y a quelque temps déjà, et s’agissant de diversification, une participante au groupe de réaction sur les concepts proposés a fait cette déclaration à propos d’un projet : « et en plus, c’est un produit qui fait avancer la marque ! »
La conclusion qui s’imposait étant que la plupart des produits ne font rien avancer du tout sinon booster comme ils peuvent le chiffre d’affaire de l’entreprise.
Chez Prisunic, c’est l’ensemble des produits, et tout l’environnement de la marque qui avancait.
Autre réflexion d’un chauffeur de taxi qui, tapant sur le tableau de bord de sa voiture me dit en me montrant l’étoile symbole de Mercedes à l’avant du capot « sans ce machin, ça n’est qu’un tas de ferraille… » manière on ne peut plus lapidaire et claire de s’exprimer sur la valeur de la marque…
Les salons professionnels sont de bons indicateurs et le dernier Maison & Objet est très symptomatique d’un nouveau paysage de la création .
Peu d’images maîtrisées et de plus en plus de brouillage pour des marques connues par accumulation de produits parasites (loin de faire avancer la marque) par manque d’imagination, de volonté (frilosité, pour reprendre le terme ?) et sous prétexte de remplir le rayon.
60 ans après le départ de l’aventure de Prisunic, nous avons le sentiment que tout est encore à faire.
L’aventure Prisunic, présentée au VIA devrait être un cas d’école à diffuser largement mais surtout en précisant bien que, au delà du succès commercial, c’était avant tout une aventure humaine, intelligente.
Le VIA
Design Fax
Prisunic et le design, livre d’Anne Bony aux éditions Alternatives