L’annonce du recrutement d’un véritable design manager au sein de Carrefour (voir Design fax n°675) un des leaders de la distribution tous « formats » confondus – hyper / Super / maxicompte / Proximité / Cash & carry / e commerce – est elle un événement heureux ?
Comment l’interpréter ?
Réflexion suite au constat d’une érosion quotidienne de l’industrie, particulièrement en France, et à une immersion du Pool de plus en plus impliquante en Chine.
Les « marques immobilières »
C’est une évidence que d’évoquer la grande suprématie des réseaux de distributions, la « distribution immobilière » : ce sont des chaînes de magasins, des réseaux, organisés autour de centrales d’achat, et fonctionnant en univers captifs. Vous consommez ce qui vous y est présenté, sinon rien !
L’ambition de ces réseaux étant, pour certains, d’évoluer vers le statut de « marques immobilières », en gros d’associer distribution et produits propres. Cela permet soit d’éliminer certaines marques, soit de leur imposer ses conditions.
La grande distribution, géographiquement bien implantée, est bien souvent à la base de la désertification du commerce moyen. L’enseigne est pour beaucoup de consommateurs le lieu unique de référence pour l’essentiel de leur consommation. Autres raisons, le coût, l’unité de lieu, la praticité du regroupement des produits, alimentaires, vestimentaires, de bricolage, électro ménager, culturel, parfois les services, etc… C’est la ville marchande dans son intégralité.
Sauf que…
Elle n’est pas là pour prendre des risques. Elles est là pour susciter du traffic et « cartonner ». Tout doit se vendre, vite, à coup sûr, donc… on est dans une offre basique à répétition.
Je n’ai personnellement jamais vu la moindre tentative de la part d’une enseigne pour aller chercher et promouvoir un produit nouveau, pour communiquer dessus, pour lui accorder un véritable espace de chalandise, pour l’expliquer, pour ouvrir.
Ce que l’on nomme innovation dans les réseaux est purement du marketing de séduction, un travail sur « l’écrin », l’organisation de l’espace de vente, les formats des magasins en regard des lieux de chalandise.
Ce que l’on espère donc, puisque les réseaux, qui à l’origine étaient des « regroupeurs » distributeurs de marques, ont cette vélléité de devenir eux même des marques, c’est qu’ils fondent leur position sur une part réelle de véritable innovation. Voir le travail de Philippe Picaud au sein de Décathlon.
D’où leur nécessité de se strucurer en intégrant le design comme composante majeure. D’où l’intérêt – l’espoir – que suscite l’arrivée du même Philippe Picaud chez Carrefour.
Sinon c’est la paupérisation assurée, la banalisation forcée, le niveau zéro du désir, la consommation de nécessité.
Et les marques ?
Ensuite on peut sincèrement se poser des questions sur l’avenir des marques productrices à la fois au niveau de leur relation avec la distribution et de ce fait, de leurs propres capacités d’évolution. Sont elles aussi condamnées à verser dans l’immobilier pour perdurer?
Le développement des réseaux est il la seul clé pour demain : voir IKEA, H&M, ZARA,MUJI, Benetton etc…
La présence des marques dans les lieux de grande distribution leur permettant rarement de s’exprimer : rentabilité au centimètre oblige…
Les vertus de la vente sur étagère.
En contrepartie, cette volonté de développer, pour les distributeurs, leurs propres produits à un effet considérable sur une bonne part de l’industrie. En Chine en particulier ou se pratique la vente sur étagères. En fait une offre catalogue disponible ou potentielle.
Ne pouvant se spécialiser dans chacun des domaines les commanditaires s’adressent à des fabricants dans chaque secteur d’activité qui les intéresse : on sélectionne un concept existant, sur étagère, que l’on prend tel que ou que l’on adapte et personnalise.
On peut aussi développer, dans le registre du savoir faire du fabricant, son propre concept. Cela veut dire en clair que tous les produits, quel qu’en soit le niveau de technologie, sont aujourd’hui accessibles à la distribution.
Retour de Chine, la plupart des entreprises (fabricants) rencontrées veulent à tout prix les remplir, leurs étagères. Elles veulent du « design ». La plupart du temps formel mais aussi et de plus en plus conceptuel. L’objectif ? Capter l’intérêt des distributeurs, les séduire, se rendre indispensable. Les entreprises s’équipent donc de structures de création et de prototypage.
On a longtemps cru que « le danger » si il y a, viendrait d’entreprises chinoises ayant intégré la notion de marque. Hors, si il y a volonté de construire une marque, c’est plus une marque de producteur : leur force est et sera la maîtrise de technologies et de savoir faires associant la création et l’ingénierie qui les rendront dans le temps parfaitement incontournables.
La Chine comme acteur privilégié du design industriel ? Oui.
Des « producteurs créateurs » d’un côté, développant leur label fabricant, et de l’autre, des « marques immobilières » internationales, distributrices, consommatrices de leurs produits, peut être un jour de projets. Sait on jamais ?