Bonjour Roger…

Suite à l’interview de Roger Tallon dans Télérama du 26 janvier 2011, signé Xavier De Jarcy.

Merci Roger, si je puis me permettre… J’ai eu trop peu d’occasions de rencontrer Roger Tallon qui, à mes yeux , était et est toujours un véritable monument pour le design.

Chaque rencontre, à l’occasion d’évènements publics ou privés, était captivante tant on était emportés dans un tourbillon d’histoires qui étaient, pour le design,  »l’histoire ».

Passionné et lucide, inventif et gouailleur, Roger est un grand artisan de la création, très loin de la médiatisation déplacée et stupide faite sur ce métier.

Pourquoi merci? Pour dire les choses, simplement.

Extraits…

« Nous avions tout l’état-major de la SNCF contre nous. Ses patrons n’avaient aucune vision, ils étaient d’une arrogance ! »

« Parce que je suis un maso. Les designers, les vrais, sont des masochistes. Ils passent leur temps à tenter de convaincre des gens qui ne partagent pas leur culture. »

Le paradoxe : la plupart des entreprises conçoivent, fabriquent ou font fabriquer des produits qui sont au cœur de leur activité économique. La plupart des décideurs n’ont aucune compétence dans ce domaine – piloter la création avec tout ce que cela induit au niveau de l’organisation et surtout de l’esprit – et peu de vision pour leur entreprise.

On fait évoluer l’existant, plus par nécessité que par envie, sans aucune remise en question.

Dans ce contexte  faire appel au design est perçu à la fois comme une obligation et le designer comme un empêcheur de tourner en rond. Ah, si on pouvait s’en passer…

Son activité est souvent révélatrice des profonds dysfonctionnements qui existent dans les sociétés, où les projets individuels et les politiques internes éclipsent  »le projet d’entreprise ».

La raison économique oblige parfois à des évolutions incontournables. L’écologie par exemple. Mais les sociétés n’en retiennent surtout que l’aspect superficiel, qui leur permet de communiquer sans réel engagement sur le fond.

Une entreprise n’est jamais qu’une usine à profit, souvent son unique objectif.

Les décisionnaires ont plus une attitude de commerçants que de défricheurs.

L’humanisme, l’altérité, la culture, l’obligation de qualité, d’honnêteté dans le discours sont rarissimes.

Deux univers donc, l’entreprise et le design, diamétralement opposés, mais qui pratiquent par intérêt le même terrain de jeu, le second étant entièrement tributaire du premier.

C’est effectivement avec une bonne part de masochisme (ou d’optimisme naïf) que le designer peut pratiquer…

Merci donc, Roger, pour cette prise de parole atypique, tellement loin du discours ambiant : le design, dont le nom est enfin reconnu, n’est synonyme, dans l’esprit du public, que de style et de décoration.

Et les entreprises, de ce fait, encore plus imperméables…

Image LIP : http://www.lip.fr/fr/createurs/roger_tallon/

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